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HMS, in Vigneron N°56

VIGNERON – PARU DANS LE NUMERO 56 – PRINTEMPS 2024
SPÉCIAL LA PLACE DE BORDEAUX

HMS

C’est une histoire d’amour, celui de Philippe Tapie pour l’élite des grands crus classés de Bordeaux, la Pléiade des vins fins, le cœur d’un monde qu’HMS chaque jour accompagne.

La Hollande sur le quai des Chartrons ! Au 29, là sur le port en plein Bordeaux, deux maisons de style flamand du XVIIe, des jumelles avec sur la tête un chapeau à rebord de volutes et lions, des pignons blonds comme la pierre des murs qui forment leur grand corps calcaire. Le marchand Hilaire Renu dessina en 1680 la rue Latour et la rue du Couvent, entre les deux il édifia l’unique gémellité architecturale du quai, un rêve d’exotisme nordique. Trois siècles et des poussières de temps plus tard, un homme est tombé fou amoureux de l’une d’elles, celle de droite, elle regarde la Garonne cuivrée et fait le coin avec la rue du Couvent. Pour l’avoir, il s’est endetté sur mille ans mais tous les jours Philippe Tapie la prend dans ses bras, tous les jours il monte dans son ventre par un étroit escalier de pierre, une merveille en colimaçon qui l’emmène au ciel. Voilà, le patron de HMS, maison de négoce de l’élite des grands crus classés, a établi son commerce amoureux dans le sein de la belle.

Ce matin, le soleil d’hiver traverse les verres ocre et vert bouteille en losanges plombés, les traits lumineux gravent la silhouette de nobles flacons pourpres posés sur le bureau du patron, on est en plein XVIIIe, en bas on croirait entendre rouler sur les pavés les tonneaux que les barricailleurs chargeaient à bord des graciles frégates. Philippe Tapie, quand il est parti en Amérique pour découvrir le monde et les codes de la distribution moderne des spiritueux, s’est dit : Le vin à Bordeaux, jamais ! Il se sentait enfermé dans le bocal, la famille de pieds-noirs avisés avait eu l’idée visionnaire de vendre la propriété et le vignoble à Oran dix ans avant le grand tumulte de la décolonisation. En 1952, Jean Tapie, son grand-père, achète Labégorce-Zédé, le revend en 1954 pour acquérir Branaire-
Ducru à Saint-Julien, plus tard cédé à la famille Maroteaux. Michel, le père de Philippe, s’y installe jusqu’en 1988 puis file à la retraite, Philippe a 18 ans.

Les grandes résolutions de jeunesse tiennent ce qu’elles tiennent ! Huit années passées à piger le positionnement des marques aux US, le marketing, les temps modernes, quoi, et le jeune Tapie rentre : « Il a fallu partir et revenir, j’ai pris alors la mesure de mon amour inconditionnel pour le vin de Bordeaux. J’ai décidé de créer une affaire de commerce dédiée à une élite des grands vins, les crus classés de Bordeaux. » En quelque sorte la collection Pléiade des vins fins. Jean-François Moueix lui dit : « Tu vas y laisser les plus belles années de ta vie. Je vais t’aider. » Ils sont quelques-uns comme lui, les Rothschild de Lafite et Mouton, les Borie, les Barton, les Cazes, les Maroteaux de Branaire bien sûr et d’autres qui lui tendent la main, touchés par la conviction et l’enthousiasme du jeune aventurier. En 2002 naît HMS, au début ça veut dire Haut-Médoc Sélection, aujourd’hui on ne parle plus que de l’acronyme, devenu la marque du sur-mesure au service des plus grands. Les courtiers ne sont pas en reste, les Valentin Lillet, Laurent Quancard, Blanchy & de Lestapis, Tastet-Lawton le soutiennent, d’autres suivent. La connaissance de la distribution aux États-Unis, les réseaux identifiés lui font gagner du temps : HMS démontre son efficacité immédiate dès la campagne primeurs du millésime 2001.

Aujourd’hui, après 22 ans d’existence, le chiffre d’affaires annuel atteint plus de 15 millions d’euros, 20 % en France, le reste au grand export dans 30 pays, prix moyen par bouteille, 150 euros, la moitié des ventes en primeur, le reste en livrable :
« Ça n’a pas été sans mal, le bateau a quelquefois tangué dangereusement, avec les millésimes difficiles – 2006, 2007, 2008 – et puis la crise des sub-primes. Mais enfin 2009 et 2010 nous sauvent. Vient 2017, à l’époque nous faisons 80 % de notre chiffre en primeurs, le système se fragilise, la surface des marques porteuses se réduit, il faut élargir au livrable. On a eu chaud… Pour exercer ce métier, il faut connaître les clefs, les us et coutumes, être sur le pont tout le temps, le travail acharné c’est mieux, il faut aussi être malin, avoir les reinssolides et du sang-froid. » Être soi et différent des autres, se tenir dans un ailleurs de l’accompagnement. HMS organise des séjours d’immersion dans les châteaux : « On dit à nos clients “Venez, on s’occupe de tout”. Figurez-vous qu’ils viennent ! »

Dans le dos de Philippe Tapie trône un florilège de maximes que lui ont offert ses 12 collaborateurs pour rire de ses aphorismes répétés mais c’est du sérieux : « La compétence s’acquiert, pas l’état d’esprit » ; « C’est pas la Bérézina ! » ; « Ma voix compte double ! » ; « Toute une vie pour gagner la confiance, une minute pour la perdre » ; « HMS : l’ovni du négoce ! » Tapie est président de la commission grands crus de Bordeaux Négoce, il y milite ardemment pour « un négoce moderne, décomplexé ». Au diable l’entre-soi et le secret ! /